Fruit de la passion, orange et goyave

Ma quête est achevée. Parmis tout les trophées que j'ai empilés au cours des décennies, c'est celui-ci qui est le plus précieux, le plus inestimable. Graçe à lui je deviens un être supérieur. Non sans l'avoir mérité, définitivement pas! J'ai dû en baver.


Ohhhhh, que oui. En baver des litres et des litres.



Persévérance! Malgré les sceptiques, malgré les mises en garde. L'unique contrainte que j'aie imposéé à mon coeur, un mantra m'ayant protégé contre les éléments, la faim, la maladie et la hargne des hommes jalousant mon futur glorieux. Aucune bataille n'a pu m'arrêter! J'ai ri, faisant face encore et encore à l'abattement qui clouait dans la boue les familles des entuyautés. J'ai ignoré les suppliques, donné le coup de grâce aux blessés qui auraient pu me ralentir.



Triomphe! Mon butin est immense. Les textes anciens pour lesquels ma vie n'aurait pas été un prix trop cher à payer sont détruits maintenant. Mon corps également. L'odyssée fantastique s'est révélée au delà de leur capacité, contrairement à celle de mon esprit... plus fort que jamais!



Sacrifice! J'ai laissé derrière moi mes possessions matérielles, mes amitiés. Toutes les expériences qui ont fait de moi ce que je suis. Lâcher toujours plus de lest, plus de poids pour acheter des pas de plus. Pour avancer encore un peu...



C'était beau, quand je l'ai enfin eu devant moi. C'était beau. Pas éblouissant, pas merveilleux, non. Une conclusion parfaite à mon voyage. Seulement Beau. Approprié. J'ai traqué sa position des lustres durant, troquant des informations contre les vieilles babioles que je ramassais en sillonant les plaines. J'ai servi en tant que mercenaire pour des maîtres de guerre...je ne connaissais ni leur nom, ni même leurs motivations. Tué contre des indications vagues et embrouillées par l'âge. Brûlé des villages en échange d'une boussole neuve. Volé en trahissant ceux qui m'avaient offert leur hospitalité...



Beau. Il était entouré de décombres et des murs d'un bâtiment écorché par la guerre. Au sol, unique lumière éclairant un endroit terrifiant et glauque. Les ombres autour semblaient par comparaison plus noires encore. Semblaient presque envieuses. Venimeuses. Au départ, mes jambes refusèrent de se diriger vers le centre du capharnaüm, intimidées par les ombres inquisitrices.



Est-tu venu l'emmener?



Certainement, c'était mon but et je le leur confirmai à voix haute. Du coton des pieds aux hanches, qu'a cela ne tienne! Je ne pouvais plus reculer.



La lumière! L'Objet resplendissait toujours davantage, son éclat un appel. Mêlé aux questionnements des ombres, je l'entendais à peine. Je réussis à faire un pas vers lui et la puissance sonore de l'appel s'en trouva augmenté. Mon prix tenait manifestement à ce que je parte avec lui. J'avançai de plus belle, mes jambes raffermies par ses encouragements.



Emmène-nous! Laisse-le ici!



Foutues ombres têtues. Si intimidantes pourtant! Je m'arrêtai un moment, doutant à nouveau. Peut-être attendaient-elles que je m'approche suffisamment de l'Objet pour m'arracher la tête? Je les sentais assez sournoises pour le faire, si je les ignorait.



Une odeur familière...l'odeur de la mort. Il me fallut arriver à quelques pas de mon objectif pour que j'aperçoive les cadavres. Ils formaient un cercle au centre de la pièce, comme s'il avaient été placés consciemment de cette manière. Préservés par je-ne-sais trop quelle force ténébreuse, les corps gisaient sur le dos, les yeux exorbités et leurs membres absents. Moi qui croyait courrir le risque de perdre la tête...



Mon sort serait bien pire et je finirais comme mes prédécesseurs. Écartelé par les ombres.



Si tu étais comme les autres, peut-être. Mais tu est différent,



bien entendu.

Bien entendu.



J'était différent et il le pensait, lui. L'Objet. Pourquoi? Je ne le saurai jamais, mais son jugement était pour moi infaillible après toutes les péripéties qui avaient mené à sa rencontre. Je maudis les ombres et avançai. Pouvais-je agir autrement? C'aurait été cracher au visage de tous ceux que j'avais tués.



Mais viens donc me ramasser! Tu mérite une récompense!



Des mots tellement doux. Partout on me traîtait de menteur, de fou, de psychopathe. On me traîtait d'opportuniste et de meutrier. Enfin, enfin, la reconnaissance. Car je méritais une récompense, évidemment. Je fis donc un dernier pas. Je m'agenouillai et empoignai l'objet.

LE P.O.G POISON ÉTAIT À MOI!